Bien des mois plus tard: Persiste et Signe !
Première parution en 2010.
Il est très rare que je parle politique, a fortiori ici, ce sera sans doute la seule fois. Donc please lisez jusqu'au bout. Si vous appréciez ce blog, cet article est sans doute l'un des plus importants et parle encore d'Aïkido.
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Le 18 mars 2003, Le parlement a adopté une des pires lois jamais votées en France: la loi pour la sécurité intérieure (LSI ou Loi Sarkozy II).
Concernant la prostitution, un nouveau délit a été instauré : le « racolage passif ». Dans le Code pénal, une nouvelle infraction est prévue: « Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération est puni de 2 mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ».
Le délit de racolage est ainsi élargi et intègre désormais le racolage passif et aggrave cette infraction en la transformant en délit. Le projet de loi prévoyait 6 mois...
… soupir.
La loi fut votée en dépit de tous les avertissements des associations, des professionnels, des magistrats, des avocats, des gens qui connaissaient la question.
De quoi s'agissait-il? D'éliminer la prostitution des centres-villes. La simple vision.
Ne pouvant résoudre l'éternel problème de l'attitude à adopter avec la prostitution (vivant en Asie où la prostitution est partout, ce genre de loi laisse rêveur), on décida de rejeter le problème plus loin.
Dans l'ombre,
Dans le non-dit.
Les conséquences furent, comme prévu, dramatiques.
En quelques semaines, les filles disparurent de la capitale et des centres-villes, repoussées vers les banlieues, les bois ou les parkings d’autoroute. Loin des yeux des bien-pensants, les filles sont désormais isolées, fragilisées, plus exposées que jamais.
Harcèlement policier, gardes à vue répétées, violences illégitimes verbales et physiques, viols, rackets et autres humiliations - sans parler de la terreur, pour les étrangères, de se voir reconduites à la frontière.
12.000 procédures en sept ans…
« Certains agents de police nous insultent, nous frappent, nous gazent, nous rackettent, confisquent nos matériels de prévention, notre argent et affaires personnelles. Nous sommes humiliées dans les commissariats, mises à nues avec fouilles au corps »
(collectif Droits et Prostitution)
Rendues invisibles, les prostituées sont devenues plus vulnérables, soumises à des réseaux clandestins en augmentation parce que moins repérables, sujettes davantage encore au trafic d'êtres humains.
Très logiquement la prévalence du HIV et SIDA est en hausse:
« Nous notons, ces dernières années, une augmentation des infections sexuellement transmissibles chez des personnes prostituées très précaires. Pourquoi ? Parce que la prostituée n'a plus le pouvoir sur le client, il profite de cette situation et demande des rapports non protégés. Or, la personne va parfois accepter pour pouvoir se nourrir, payer son hôtel », explique Miguel-Ange Garzo, psychologue-clinicien. Tout notre travail de prévention est remis en question ».
Le Conseil national du Sida: « La pénalisation du délit de racolage a contribué à pousser les prostituées à se cacher, à développer de nouveaux modes d’exercice, les rendant plus difficilement accessibles à la prévention et aux associations et plus à la merci des proxénètes et des clients »,
Le cadre législatif actuel a contribué à une « dégradation globale des conditions de vie et d’exercice des prostituées [qui] complique considérablement, voire compromet le travail de prévention ».
… beau résultat.
La seule justification de la loi était de lutter contre la traite des êtres humains, un problème bien réel.
« En pénalisant le racolage, je rends la vie impossible aux proxénètes, pas aux prostituées », clamait NicolasSarkozy, alors ministre de l’Intérieur.
J'aimerais comprendre comment on a pu imaginer un seul instant, sauf hypocrisie, vouloir protéger des gens en les punissant…
Il proposait notamment des cartes de séjour aux étrangères qui dénonçaient leur souteneur.
Bilan?
De l’aveu même de la Brigade de répression du proxénétisme (BRP), et comme prévu, les prostituées «ne dénoncent que très rarement» leurs souteneurs, par peur d’être elles-mêmes poursuivies pour racolage, expulsées, ou victimes de représailles des réseaux. *
* Plus d'explication en fin d'article je ne voulais pas alourdir la lecture
Stupide. Absurde, inefficace.
...
La loi a donc bien atteint son véritable objectif : rétablir la tranquillité publique des riverains plutôt que protéger les victimes d'exploitation. (Pour ne pas oublier qui est qui, Juppé a joué un rôle à l'époque où il voulait "nettoyer" Bordeaux…).
Au nom d'une idéologie et d'une morale rétrograde, puritaine et conservatrice, elle a mis en danger la vie de gens qui n'avaient pas besoin d'une marginalisation supplémentaire.
C'est l'ordre moral des bien-pensants.
Il ne s'agissait pas de protéger les gens puisque les conséquences de cette loi avaient été annoncées et prévues avec lucidité par ceux qui connaissent la situation. Il s'agissait de nier leur existence, de les cacher, les renvoyer aux lisières du monde propre sur lui.
A l'époque j'en parlais à qui voulait entendre puis avant l'élection de 2007. Un peu en vain tant les gens se contrefoutent du sort des putes.
Eh bien, je recommence.
Pour prétendre diriger les hommes, il faut leur vouloir du bien.
Il faut pousser le scrupule jusqu'à abandonner ses propres idées si celles-ci peuvent blesser ou mettre en danger un autre être humain.
On n'a aucun droit, ni aucune raison, de vouloir diriger un peuple si on en méprise une partie.
Une conviction est pour moi fondamentale: celui qui pratique l'aikido ne peut être cohérent que s'il respecte et protège la vie, les gens, la nature.
La peine de mort est incompatible avec l'aikido, toutes les preuves sont inscrites dans la matière même de la technique, ses choix.
L'aikido est bienveillant par nature et prend soin du monde.
Pas Sarkozy.
Pour 2012, j'appelle à ne pas voter pour un homme
capable et coupable de cette inhumanité.
Et à signer cette pétition:
Vous pouvez faire passer cet article je l'assume à 200%.
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En pratique, les personnes ont non seulement été arrêtées et condamnées, mais les étrangères, en situation irrégulière ou non, ont pu être éloignées du territoire...!
La loi pour la sécurité intérieure permet en effet l'éloignement de personnes prostituées, qu'elles aient un visa en cours de validité, qu'elles soient présentes en France depuis moins de trois mois ou bien qu'elles détiennent une carte de séjour temporaire, au motif qu'elles menacent l'ordre public ou qu'elles sont « passibles de poursuites pénales », notamment pour racolage passif ... Kafkaïen.
Lors des débats parlementaires, cette contradiction avait été résolue en prévoyant la délivrance d'un titre de séjour aux personnes qui dénonçaient leur proxénète. Mais ce n'est pas un droit.
En cas de plainte ou de témoignage d'une personne prostituée contre un proxénète, une autorisation provisoire de séjour (APS) peut lui être remise, non seulement si ses déclarations sont jugées utiles mais aussi – exigence non prévue par la loi – si elle arrête de se prostituer.
Dans ce cas, le préfet « peut » lui accorder une APS qui n'est pas forcément renouvelée.
Cela mis à part, aucune protection particulière ne lui est accordée et une aide financière n'est prévue que pour 12 mois. Il arrive donc que des personnes dénoncent leur proxénète, obtiennent une APS, recommencent à se prostituer de manière indépendante pour survivre, soient interpellées pour racolage et éloignées, alors même qu'un procès est en cours.