Décidément j'aime beaucoup lire ce bonhomme.
On s'en remet une couche.
Le texte original est à cette adresse. C'est traduit un peu à l'épaulé jeté mais le sens y est.
Thanks mate !
Les agresseurs pro-actifs sont renforcés par leur maitrise de l'espace et du temps. Ils s'appuient sur leur choix du moment et de l'endroit
et sur le fait que leur victime réagira trop tard.
La majeure partie de ma vie s'est passé à faire respecter la loi, dans des hôpitaux psychiatriques ou des centres spécialisés pour jeunes
(délinquants je suppose), des boulots dont le point commun est d'avoir affaire à des gens désespérés qui sont enclins à la violence. Il existe d'excellents systèmes de gestion de la violence qui
offrent un entrainement pratique en désescalade de situations potentiellement violentes et en intervention physique si besoin.
Les trois formations majeures sont l'Institut de Prévention des Crises (Crisis Prevention Institute), L'intervention psychologique et
physique non violente (Non-Abusive Psychological and Physical Intervention) et Intervention de Crises (Therapeutic Crisis Intervention en.wikipedia.org/wiki/Therapeutic_Crisis_Intervention, à peu
près intraduisible, Cf. le lien). J'ai trouvé que ces trois programmes cadrait bien avec l'état d'esprit du Budo tel que le présentait Ueshiba le fondateur de l'aïkido dans leur souci de
préserver l'individu qui représente une menace pour nous ou ses collègues. Ces programmes sont ouverts à tous ceux qui travaillent dans les forces de maintien de la paix, le système médical ou
l'éducation et ils étendent nos outils martiaux à des applications plus vastes en dehors du dojo.
Dans le système d'intervention en situation de crise de l'Université de Cornel, le comportement agressif est divisé en deux types distincts,
chacun avec sa dynamique et nécessitant des réponses différentes.
Le premier type est dit de "l'agressivité réactionnelle" qui se caractérise par une forte charge émotionnelle, une perte de contrôle mental
et physique et très peu de motivations autres que de libérer sa colère. C'est le type même du patient psychotique, du conducteur enragé, l'alcoolique (l'alcoolisé) violent, bref tous ceux dont la
charge émotionnelle submerge leur capacité à réagir de façon non violente. Ce comportement entre en éruption comme un volcan et il n'y a pas ou peu de décision consciente lors du passage a
l'acte.
Le second type d'agression est appelé "agression proactive / volontaire" et se caractérise par peu ou pas d'émotions, une motivation précise
et un contrôle mental et physique modéré ou fort. C'est le tyran persécuteur qui utilise la violence ou la menace ou bien le prédateur rompu à l'agression violente. La cible est choisie avec
précision ainsi que que le lieu et le moment. Si la victime semble une "cible dure", la violence est abandonnée ou dirigée ailleurs.
Ces deux types d'agressivité sont des situations potentiellement violentes mais l'usage de la violence dans une situation tangente est
influencée par nos actions. Notre réponse peut minimiser ou accroître la probabilité de violence. La violence n'intervient pas de façon isolée, indépendante, c'est UN PROCESSUS DE COMMUNICATION /
RELATIONNEL.
La meilleure réponse à la charge émotionnelle et de demeurer calme et stable. O sensei symbolisait cette attitude par le carré, les qualités
de la TERRE. La colère de l'individu submergé par ses émotions peut souvent être apaisée, dé-escaladée avec une attitude d'empathie, une présence calme et en donnant de l'espace et du temps pour
la laisser s'exprimer fort et longtemps. Le contrôle de la violence le plus puissant et le plus efficace que j'ai trouve consiste à ECOUTER. Ca n'a l'air de rien mais écouter est difficile et par
là je veux dire: ne pas interrompre, ne pas polémiquer et ne pas faire la morale. Une écoute habile consiste à se taire et rester calme en NOUS MEMES et ne pas jeter de l'huile sur le feu en
utilisant la phrase habituelle mais inefficace "calme toi" qui nie l'intensité de la souffrance.
Plutôt qu'essayer de calmer les gens en colère, je fais en fait l'inverse - je les encourage à exprimer leur colère oralement, à laisser
vider la pression fort et longtemps. Cela permet de décharger la même dose d'énergie mais sans danger et dommage. L'attitude sur la réserve "non active" qui consiste à bien écouter active
en nous les qualités de l'élément Terre, cet endroit paisible qui nous permet d'être au milieu du bruit et de la fureur sans avoir envie de "faire" quoi que ce soit. Mon ami Terry Dobson disait
"parfois ne rien faire est une réponse très puissante".
Dans les cas où la colère de l'individu submerge leur capacité de contrôle, nous devons être prêts à répondre physiquement. L'individu
excité tend à téléphoner ses intentions violentes et puisque nous avons donné à cette personne beaucoup d'ESPACE personnel, nous avons le TEMPS de réagir. Les attaquants réactifs perdent leur
contrôle mental de sorte que lorsque leur violence explose, ils ont beaucoup d'énergie mais peu de contrôle physique, leur équilibre est médiocre et facile à perturber. La non résistance,
symbolisée par l'EAU marche très bien sur ces personnes. O sensei dit de devenir l'EAU, qui est souple, réceptive et n'offre pas à ces personnes la la résistance stable dont ils ont besoin pour
ne pas tomber. L'aikido tel qu'il est couramment pratiqué est un bon entraînement pour ce type de violence dans la mesure où on met l'accent sur une harmonisation souple et non
résistante.
L'aggression proactive du tyran ou du prédateur présente une dynamique complètement différente qui requière une réponse pro active. La
nature passive de l'aïkido moderne nous ne nous y prépare pas. O sensei décrit souvent le FEU comme un élément essentiel de son Aiki qui confère de l'énergie, de la concentration, de l'intensité
à nos actions mais qui est rejeté dans la majorité de la pratique actuelle pour laquelle bouger durant ou après l'attaque est la norme. Mais le FEU n'a pas à être destructeur et ne signifie pas
forcément pas dureté, c'est un élément d'UNE REPONSE ACTIVE PRECOCE.
Lorsque le prédateur commence son approche, le FEU en nous envoie un fort signal "ARRIERE" accompagné d'un geste, d'un ton de voix, d'un
comportement physique et un coup d'oeil qui envoie clairement le message "TU ES PREVENU". C'est la "douve" d'énergie que le Fondateur décrit. Le message transmet une information importante POUR
LE PREDATEUR: cette proie est consciente d'un danger, cette proie connait mes intentions (de loin), cette proie pourrait être difficile, pourquoi ne pas attendre quelques minutes et en choisir
une plus facile (à approcher). Utilisé à bon escient et avec le bon timing, l'élément FEU en nous peut faire reculer ce genre de personnages. Ce n'est pas de la théorie. Plus d'une fois, j'ai
arrêté des criminels qui étaient plus fort et plus endurcis que moi. Je crois qu'une fois, ça m'a épargné le dilemne de tirer sur quelqu'un.
Les agresseurs pro actifs sont renforcés par leur contrôle / maîtrise de l'espace et du temps. Ils s'appuient sur leur choix du moment et du
lieu et ils escomptent que leur proie va réagir trop tard. Ils utilisent des feintes verbales, la distraction et la confusion momentanée pour s'approcher suffisamment près et lancer leur attaque,
avec ou sans une arme. Une fois qu'ils ont cassé la distance (c'est étonnamment facile avec la plupart des gens), PERSONNE NE PEUT REAGIR A TEMPS. Il existe une pensée magique qui court dans tous
les arts martiaux. "Si j'acquiers une très bonne technique, je serais capable de l'utiliser u dernier instant". Ce mode de pensée est si pervasif et accepté qu'il est devenu un mythe universel
des arts martiaux, renforcé par la la subtile chorégraphie de démonstrations sans erreur.
L'entraînement moderne de la police aide les policiers à comprendre que une fois qu'ils ont permis à un individu agressif de s'approcher
suffisamment, leur temps de réaction est rarement suffisant pour leur permettre de se défendre avec leur arme ou à main nue. Voilà pourquoi 50% des policiers sont tués AVEC LEUR PROPRE ARME.
L'entraînement moderne des policiers leur apprend qu'ils ont besoin de plus de 6 mètres [21 pieds soit 6,5 m brassa mada] pour réagir avec succès contre une attaque surprise au couteau. Et
pourtant de nombreux amis pratiquants croient encore qu'ils peuvent attendre (et attendre et attendre) jusqu'à ce que l'intention et l'attaque soient bien claires avant d'agir.
Le FEU, bien qu'il ne soit pas nécessairement dur, est EXPLOSIF ET INATTENDU. Si la réponse à notre avertissement puissant n'a pas pour
résultat un arrêt immédiat de l'approche (quelle que soit l'habileté de la réponse verbale), nous AGISSONS. Cela peut prendre la forme d'une frappe, une feinte, une distraction suivie d'une
projection ou d'une immobilisation, le dégainage d'une arme, hurler pour appeler de l'aide ou s'enfuir. Le timing de l'action est plus important que la NATURE de l'action. En agissant LE PREMIER,
vous placez l'AGRESSEUR DANS LA POSITION D'AVOIR A REAGIR. la VICTIME CHOISIT MAINTENANT le lieu et le moment exacts de l'interaction physique.
Pendant quarante ans, j'ai passé mon temps sur le tatami à attendre passivement d'être saisi ou que mon partenaire vienne à moi pour une
frappe. Bien sûr ils saisissent ou frappent de la manière prescrite et il est facile d'entretenir l'illusion que j'ai "réagi" avec succès. Même au Japon, je n'ai trouvé que deux dojos où le
défenseur est le premier à bouger pour initier la technique (où on met uke en place pour la technique). C'étaient des dojos exceptionnels ou le kiai et l'atemi dynamique de l'aiki budo étaient
encore au coeur de l'entraînement d'aiki.
On dispose désormais d'une documentation suffisante sur les mots et les conseils d'O sensei pour savoir que - à part pour les exercices
préliminaires (kihon dosa) - il ne croyait pas l'attente, il croyait à la prise de contrôle précoce et active. Ses élève directs ont à de nombreuses reprises rapporté que O sensei semblait passif
parce que ses actions "initiantes" étaient si subtiles qu'ils ne réalisaient pas qu'il était déjà en train de bouger. Un de mes professeurs, Kazuo Chiba, rappelait que Ueshiba disait "ce n'est
pas le Budo si vous commencez votre mouvement seulement après que la frappe (l'attaque) est en mouvement".
Nous pouvons rester dans notre zone de confort ou prendre O sensei au sérieux quand il nous enjoint de pratiquer le TAKEMUSU AIKI - la
volonté d'incarner l'élément que la situation exige, TERRE - EAU - FEU. Ces dernières années, mon entraînement est entré dans un nouveau et étrange territoire. En plus des exercices fluides et
dynamiques d'harmonisation, je travaille désormais à mettre en place mes techniques SANS ATTENDRE LA SAISIE / FRAPPE MAIS EN BOUGEANT LE PREMIER pour mettre en place la technique. Cette pratique
est difficile et moins prévisible. Moins prévisible signifie plus dangereux et donc la vitesse de pratique doit être adaptée aux capacités du partenaire.
Je suis en train de décrire une pratique "fondée sur la recherche" plutôt que pratique artistique habituelle (embu). Ma pratique ne semble
plus aussi gracieuse et artistique que mon ancienne pratique. Je n'ai pas d'avenir sur Youtube. Mais l'entraînement quotidien est plus excitant maintenant que jamais auparavant - c'est comme tout
recommencer, au niveau suivant. C'est jouer avec l'espace, le temps et jouer avec les réactions d'uke (les attaquants). Je crois que O sensei appelait cette pratique "cultiver l'attraction" [la
force attractive chère à G.Blaize].
Nous pouvons prévenir la violence et lui répondre habilement si la violence est inévitable mais nous devons avoir un accès déshinibé et
spontané à tout ce qui est en nous, la gamme complète des réponses humaines. TAKEMUSU AIKI n'est pas qu'une philosophie, c'est notre PRATIQUE et si nous la pratiquons elle ne nous trahira
pas.
J'ai envie de ne faire aucun commentaire tant ce texte se suffit à lui-même. Comprenne qui veut et peut.
Gambarimasho.