Troisième partie de la fiche de lecture consacrée à Transparent power: l'entraînement selon Sagawa sensei…
Je me répète: je crois qu'il est important de lire et relire cet ouvrage pour bien intégrer sa logique.
Attention, le maître de l'école Daito met la barre assez haut.
Dans la partie précédente, nous tentions d'analyser ce que pouvait bien vouloir signifier ce mot d'aiki, reprenant en cela le plan des deux parties majeures du livre mais cette définition est inséparable selon lui de la méthode pour l'acquérir et le cultiver: l'entraînement, la formation, le conditionnement physique donc mental. Explication de texte par Sagawa sensei du mot shugyo...
Votre vie entière est un camp d'entraînement.
Il est important de s'entraîner chaque jour. Vous devez construire votre corps comme une forteresse.
Je ne cite que ces phrases (fortes) mais il répète cela constamment: l'entraînement doit être quotidien, si possible sans rater une seule journée.
Pour Sagawa sensei il n'y a simplement pas d'autre solution. O sensei je crois dans une interview parlait d'un entraînement de fou, on ne saurait mieux dire.
Ainsi vous construisez le corps en vous entraînant. Un entrainement intermittent, même intense est complètement inutile. Vous devez pratiquer chaque jour pendant toute votre vie, ceci et ceci seulement constitue l'entraînement véritable ou shugyo.
Sinon vous ne comprendrez rien...
Pour lui le travail technique sur les formes est important mais il est inutile si le corps n'est pas transformé, conditionné - métamorphosé presque - sur le long terme.
1. Pratiquer seulement la forme n'est d'aucune utilité. Vous devez construire votre corps. Plutôt que vous concentrez sur des techniques complexes, concentrez vous sur les bases! Construisez votre fondation, spécialement vos jambes et vos hanches.
2. Même si vous vous arrangez pour vous entraîner chaque jour en essayant différentes approches, cela vous prendra vingt ans que votre corps soit suffisamment conditionné. Et si votre corps n'est pas convenablement entrainé, votre technique ne fonctionnera pas vraiment. Si vous vous entraînez chaque jour de votre vie, vous serez complètement transformé.
Cela n'a d'ailleurs rien à voir avec la masse musculaire (bonne nouvelle….):
Vers 20 ans j'ai fait de la musculation comme un body builder mais ça n'aide pas pour la technique alors j'ai changé de façon de penser.
On parle bien de force pourtant, de puissance mais pas de muscles… Et cette force est absolument nécessaire selon lui.
Il est important de faire des exercices qui endurcissent / renforcent le corps, plus que ceux qui accroissent la souplesse. La souplesse est bonne lorsque vous êtes devenus fort.
Bien sûr si vous comprenez le principe, vous devriez être capable de l'exercer sans sans beaucoup de force mais vous manquerez de tranchant, de pêche (drive)- il vous manquera une certaine intensité.
Ce qui ne veut pas dire que la souplesse soit inutile…
Vous devez aussi rendre votre corps flexible (souple). C'est nécessaire).
L'essentiel ne se passe pas dans les bras mais plus bas…
Vous devez vraiment développer vos hanches et vos jambes. Renforcez vos jambes et vos hanches si vous les croyez faibles.
Vous vous apercevrez que les réponses émergent d'elles-même.
A la fin vous trouverez qu'affrontez des gens bien plus forts ne vous est pas un problème.
Une personne avec des hanches et des jambes sous-développées tend à se fier à la force des épaules.
Quelqu'un qui bouge doucement a le potentiel de devenir bon.
Une personne rigide et tendue est d'emblée sans espoir.
Vous devez construire dans vos hanches et vos jambes les muscles aux bons endroits. Pour cela vous devez vous entraîner tous les jours.
Sagawa sensei le répète à de nombreuse reprises: l'essentiel se passe dans les hanches et les jambes.
Ce travail physique a ceci d'unique qu'il forme aussi l'esprit.
Sagawa sensei affirme plusieurs fois que le travail sur le corps renforce le cerveau en tant qu'il est un élément du corps. Il influe bien sûr la technique elle-même, non parce qu'on peut mettre plus de bras mais parce que la technique ne se manifeste qu'au travers du corps.
Au fur et à mesure que je renforce (" to temper") mon corps, mes techniques se développent naturellement.
Quand vous renforcez votre corps, il change et de nouvelles pensées émergent.
Il influe également sur la force mentale, l'esprit et donc sur l'aptitude au combat car pour lui l'esprit mène le combat (à développer dans la partie suivante: stratégies…).
Vous ne progresserez pas si vous ne développez pas votre corps. Quand votre corps est établi (settled) la puissance de votre esprit est renforcée.
D'où un entraînement très éloignée de la muscu qui isole les muscles: vous devez créer le hara dans le mouvement.
J'aime beaucoup cette notion de créer le hara, ce fut ma sensation la plus agréable lorsque j'ai commencé l'aikido.
On peut presque dire que pour Sagawa sensei ce travail influe sur la biologie, sur le cerveau en tant qu'organe… Il affirme que le cerveau bénéficie de ce travail en restant en forme plus longtemps.
Dieu merci il y a de l'espoir (je pense à mon père qui faisait cet été du trempoline à 83 ans...).
Vous pouvez gagner du muscle même après 70 ans. Si vous construisez votre corps avant cet âge, même si vous avez 80 ans comme moi, votre corps ne se détériorera pas.
Vous devez commencer n'importe quand si vous l'avez décidé. J'ai 80 ans maintenant mais si j'apprenais qu'il est mieux de pratiquer tel ou tel exercice, je commencerai.
L'exemple qu'il donne: lui-même…
Une personne qui s'entraîne une dizaine de fois par mois ou qui vient de loin semble manifester du zèle. Pourtant mon zèle est d'une essence différente tant en qualité qu'en quantité.
Personne n'a travaillé plus que moi. C'est comme ça. Nous vivons des temps différents. Ce temps n'est pas de ceux qui produisent des maîtres.
J'ai consacré beaucoup d'efforts pour arriver au point ou j'en suis. Je n'en suis pas arrivé là par accident/hasard. je suis devenu capable de faire ce que je fais petit à petit, grâce à une longue période d'entraînement et d'étude.
Si vous n'êtes pas sérieux à mort (dead serious) et obsédé par cet art, vous ne serez pas capable de faire aiki.
Dans mon cas j'ai travaillé comme un fou (like crazy) et j'ai eu ce désir brûlant de l'atteindre en dépit de tout.
Si les gens connaissaient mon entraînement quotidien (mes routines) ils seraient étonnés (abasourdis).
Le livre est très discret sur ces routines car Sagawa sensei s'entraînait seul (comme O sensei bien souvent), on glane au fil des pages quelques informations: des haltères traditionnels, des séries de pompes et d'exercices calisthéniques dont l'unité de compte est … le millier.
Et 300 000 suburis par an soit une heure par jour...
Chaque jour je pratique 24 entraînements (des routines). En plus de ça je soulève le suburito 300 000 fois par an..
Ce n'est qu'en pratiquant une série d'exercices pendant de très nombreuses années que vous pourrez à la fin en comprendre l'efficacité.
Là encore il ne faut pas espérer de recettes de la part de Sagawa Sesnei qui considère que l'entraînement est une affaire individuelle, qui demande à l'individu de la persévérance, une forme d'obsession, une rage de dépaser soi et les autres. Le succès est une affaire individuelle.
Je ne pense pas qu'il faille nécessairement copier ce que j'ai fait. Chaque personne a sa façon de penser, chaque personne est différente. Si vous êtes enthousiaste vous les découvrirez vous mêmes.
Si je m'en étais tenu à ce que m'a enseigné Takeda sensei, je ne serais pas devenu ce que je suis aujourd'hui, je suis allé aussi loin parce que j'ai continué à penser, étudier, raffiner et développer mes techniques.
Conclusions sur l'entraînement.
Le traducteur utilise souvent le terme de "hardship", dureté des conditions de vie, épreuve, souffrance. Nul doute que pour Sagawa sensei, l'entraînement ne peut être trop dur ni trop intense. On a là le point de vue de celui qui a voué à vie à son étude. Le sens de michi sans doute.
Que cherche concrètement Sagawa sensei à travers cet entraînement?
J'espère que les plus calés en physio vont prendre la peine de laisser un commentaire pour nous aider à mieux comprendre.
Selon moi, au point où j'en suis…: il s'agit pour lui de trouver la ligne pure, la ligne sans angles, sans hésitations, sans tâtonnements. Arriver à cette sensation intime qui dit: la coupe / l'action est ici, pas besoin d'y réfléchir, à l'instant propice je concentre cette énergie accumulée, cette précision, ce concentré de concentration… un million de suburis plus tard et la ligne est devenue une copine familière.
Quantité de parallèles sont possibles: je pense au trait de crayon de Picasso (100 000 oeuvres à la fin de sa vie, des dizaines de milliers de dessins et d'études... qui a vu son dernier autoportrait ?).
En tout cas si on le croit, il est temps de s'y mettre…
Prochain épisode: Stratégies et enseignement